Fabien Merchat, une traversée en 18 jours
Récit GR10. « Fabien Merchat vient de traverser les Pyrénées par le gr10 entre Hendaye et Banyuls en 18 jours seulement, pour 900kms et 50.000m de dénivelé + ou -. Il a réalisé une très belle performance et nous te félicitons et le remercions pour les nombreux partages de photos et autres commentaires sur internet dans les réseaux sociaux. »
Eric CHAIGNEAU : Bonjour Fabien, quel âge as-tu et où habites-tu?
Fabien MERCHAT : « J’ai eu 40 ans pendant ma traversée en juillet 2015. Je vis en Ardèche … »
Comment ce projet est-il né dans ton esprit? Pourquoi le gr10?
« J’aime les Pyrénées, pour leur côté sauvage, authentique … j’avais déjà effectué la traversée en vélo sur la route (en 2012). Faisant du Trail, j’ai eu ensuite envie de faire la traversée à pied. Au début de ma préparation, j’avais imaginé un parcours qui était un mix entre le gr10 et la HRP, puis finalement j’ai suivi le tracé « officiel » du gr10. Je crois d’ailleurs que j’aurais galéré davantage si j’étais parti sur le parcours tracé à l’origine. »
Quel est ton niveau sportif? Quelles types de courses pratiques-tu généralement? Quels sont tes résultats sportifs en compétition?
« J’ai un bon niveau sur les trails courts (20-30km) avec des victoires sur le trail court du Ventoux, au Phoebus trail de Gruissan, au trail de Mirmande chez mes voisins de la Drome. En général, je m’aligne plutôt sur ce genre de trail (20-30km) mais je suis très attiré par les longues distances même si j’y suis beaucoup moins performants. Le long, c’est pour moi une épreuve personnelle, un combat contre soi-même, pas contre les autres coureurs. »
Quelle est la plus longue course à laquelle tu as participée avant de partir sur le gr10?
« Les 80km du Mont Blanc que j’ai fait 2 fois (en 2015 et en 2013), une superbe épreuve qui a lieu fin juin à Chamonix. »
T’étais-tu donné un temps déterminé avant de partir?
« J’étais parti sur une base de 20 jours mais sans aucune pression de « résultat ». »
As-tu suivi une préparation physique particulière en vue de cette épreuve?
« Non aucune, seulement mon entrainement de course à pied (5-6 séances par semaine+vélo)…. il me semblait que ça pouvait suffire. »
A ce jour et après avoir traversé les Pyrénées en grande itinérance et ayant une bonne expérience en trail, te sens-tu plus coureur-nature (traileur) ou rando-raideur-itinérant (through-hiker)?
« J’aime la compétition, donc je dirais que je me sens plus coureur nature. La rando-raid, c’est plus un loisir pour moi, j’ai voulu vivre cette expérience seul pour me retrouver face à moi-même. Le fait de faire la traversée en mode accéléré permet de voir chaque jour une multitude de choses différentes, c’est plus concentré. Par contre, il est évident que l’on profite moins de certains instants. Je pense que je ne referais plus cela seul et en mode « rapide ». »
Penses-tu avoir « perdu » du temps lors de cette traversée? et penses-tu qu’il t’aurait été possible de pouvoir faire mieux que 18 jours?
« Oui j’ai « perdu » du temps: en m’égarant parfois, en prenant plus de 1000 photos aussi, en m’arrêtant assez « tôt » le soir (vers 18h-19h en général). Je me suis arrêté une fois à 20h30 et une autre à 21h30 sinon, c’était 18h-19h. Donc, j’aurais pu mettre moins de 18 jours, 17 facilement en marchant un peu plus juste sur les 3 derniers jours. Pour terminer, 15 jours était, je pense pour moi, réalisable cette année. »
La météo a-t-elle été décisive quant au respect de ce temps?
« Absolument décisive et déterminante. j’ai eu beaucoup de chance cette année avec une météo quasi parfaite. »
Si la météo avait été défavorable ton résultat aurait-il été le même?
« Non c’est impossible, je pense même que je ne serais pas arrivé jusqu’à Banyuls avec une météo « pourrie » … mais ça, je ne le saurai jamais. »
Pour toi, et dans le cadre de la pure performance sportive quel pourrait être le temps idéal pour progresser le plus rapidement possible?
« Il faut qu’il fasse beau (pour bien voir les marques) et pas trop chaud. La pluie et le brouillard sont nos pires ennemis sur le gr10. »
Que penses-tu du balisage du gr10? Est-il facile à suivre? Avais-tu une carte? Des points de repère? As-tu eu une assistance extérieure et si oui de quelle nature?
« Le balisage est dans l’ensemble très bien fait et donc facile à suivre. Parfois tout de même, je me suis un peu égaré, soit par inattention de ma part, soit du à un balisage « un peu juste » à certains endroits. J’avais préparé 18 feuilles A4 imprimées recto verso avec des cartes ign 1/25000 copier/coller sur Openrunneur, cela m’a bien aidé par moment. Enfin, aucune assistance extérieure, ce n’était pas dans l’esprit de ma traversée. »
Au niveau de ton plan de course, comment as-tu géré tes étapes? Au feeling ou selon un plan bien déterminé?
« Je partais le matin vers 6h30, sans jamais savoir où j’allais m’arrêter le soir. Parfois, je m’arrêtais le soir alors que j’étais encore bien en jambes, mais je m’arrêtais parce que j’avais trouvé un endroit sympa. »
Comment as-tu fait ton choix pour les hébergements? Ceux-ci ont-ils bien répondu à tes besoins spécifiques de coureur? Et si non, qu’aurais-tu eu besoin de plus? Quel était le poids de ton sac? Avais-tu une tente?
« Au départ mon sac pesait 8kg mais avec 1,5L d’eau seulement. Je suis très très vite passé à 2,5L d’eau donc 9kg avec surement des pics à 10-11kg certains jours en sortant d’une épicerie. A la base, j’étais parti pour passer toutes les nuits sous la tente, mais j’étais finalement bien content de pouvoir parfois dormir sur un matelas à l’abri. Dans les hébergements, mes besoins étaient très simples: prendre une douche chaude et pouvoir dormir sur un matelas. »
N’as-tu pas eu de problème de ravitaillement en eau et en nourriture?
« Non, car je faisais pas mal de distance chaque jour donc je passais régulièrement devant un refuge, un gite d’étape ou une épicerie. J’avais aussi sur moi des pastilles purificatrices que j’ai utilisé. »
Avais-tu anticipé ce point?
« J’avais bien étudié les cartes avant de partir et il me semblait qu’il n’y aurait pas de gros problèmes. J’avais dans mon sac , au maximum, 2 jours de nourriture. »
As-tu souffert de la canicule?
« Pas vraiment, j’ai eu parfois assez chaud et beaucoup transpiré, mais je m’hydratais beaucoup et régulièrement. Les taons m’ont par contre pas mal embêté en montée. »
L’année prochaine (2016) de nombreux compétiteurs vont se lancer dans le même esprit que toi sur la Transpyrénéa qui empruntera le même itinéraire que toi de Banyuls à Hendaye, quels conseils pourrais-tu leur donner en matière de préparation, de progression et de rythme?
« Ce qui est sûr , c’est qu’il faut une préparation physique avec pas mal de volume. Perso, j’ai trouvé que les jours 2 et 3 sont les plus durs, après le corps s’habitue à l’effort. Donc à mon avis, il faut partir sur un rythme cool, quitte à accélérer par la suite. Ils auront 400 h (un peu moins de 17 jours) apparemment pour effectuer la traversée .. .., réalisable si la météo est correcte …, si la météo est pourrie, on les comptera sur les doigts d’une mains ceux qui finiront en moins de 400 heures. »
Comment as-tu trouvé cette « épreuve » sportive?
« Je ne pensais pas que cela serait si dur. Mais les paysages sont si beaux. Comme lors de mon passage en vélo en 2012, j’ai beaucoup aimé le pays basque … j’ai déjà envie d’y retourner, en famille. »
Quel est ton meilleur et ton pire souvenir ?
« Le pire, c’est facile : c’est le jour 3, brouillard et pluie le matin en partant d’Esterencuby, mauvais choix de vêtements, j’arrive frigorifié aux Chalets d’Iraty où je trouve heureusement une salle hors sac toute neuve, je m’y réchauffe une bonne heure et je repars finalement. Dans cette fin de matinée, j’ai pensé rentrer à la maison … mais bon j’ai continué. Le meilleur souvenir, il y en a eu plusieurs, ce sont les gens qui m’ont chaleureusement accueillis chez eux…. À Borce, au gite d’Esbintz, au gite de Rouze, au centre montagne à Germ et biensur à l’écogite au Moulin de la Palette où j’ai été reçu formidablement bien. Je pense que les randonneurs ne demandent pas grand chose, ils ont juste besoin d’un petit sourire et d’un accueil agréable «
Quels sont tes futurs projets de course?
« En théorie, je dois participer à l’ultra 160km du Grand Raid des Pyrénées … mais mon corps a encore de nombreuses traces de ce gr10, des douleurs aux genoux notamment … donc on verra … »
D’autres impressions, sentiments?
« J’ai été très ému un jour en faisant la rencontre de 3 baliseurs du gr10 …. je voudrais juste les remercier car sans eux ma belle aventure n’aurait pas été possible. Je me rappelle que ce jour là, je me suis dis : »un jour, quand je serai grand, j’aimerais devenir baliseur du gr10″. »
L’Association des Amis GRdistes te remercie d’avoir partagé ainsi ton récit GR10. Eric CHAIGNEAU (pour www.gr10.fr / Association des Amis GRdistes – Août 2015)
Point info
Eric CHAIGNEAU
animateur bénévole des Amis GRdistes.
assogr10@gmail.com
tel 06 83 61 48 49