Récit gr10 GRdiste Julie Pinchard

Julie Pinchard, une traversée de 28 jours

Récit GR10. « Julie est une jeune femme avec une volonté de fer et une détermination sans faille. J’ai eu l’occasion de faire sa connaissance il y a maintenant plus de trois ans. Elle envisageait de se lancer dans la grande aventure de la traversée des Pyrénées par le GR10 et cherchait des réponses à ses questions sur la faisabilité du projet. Au travers du site gr10.fr, j’ai donc eu le plaisir de pouvoir lui donner quelques conseils pratiques. Le temps a passé, et son projet a souvent été retardé mais nous sommes toujours restés en contact via les réseaux sociaux. Cette année 2015 fut la bonne, elle était fin prête et tous les voyants étaient au vert pour que cette aventure puisse être enfin réalisée. Elle n’a pas simplement réussi à remplir ses objectifs, elle a tenu bon face aux aléas de la vie et au temps qui passe. Elle n’a jamais baissé les bras, elle a toujours gardé en vue sont projet. Nous espérons que cet entretien avec elle permettra à beaucoup d’autres futurs GRdistes de se lancer à leur tour dans cette merveilleuse aventure. » Eric Chaigneau – Entretien réalisé en août 2015

Eric Chaigneau – Bonjour Julie, tu viens de traverser les Pyrénées de Hendaye à Banyuls par le gr10 en 28 jours seulement, toutes nos félicitations pour cette belle performance. Quel âge as-tu et d’où es-tu originaire?

Julie Pinchart – J’ai 25 ans et suis originaire du Nord Pas de Calais.

Que fais-tu dans la vie?

Je suis Sapeur-pompier Professionnel à la caserne de Lens.

Avant de te lancer sur le gr10 avais-tu déjà une expérience de la grande itinérance montagnarde?

Non aucune expérience de la grande itinérance! Mes seules expériences étaient le GR20 et le GRTMB soit un maximum de 11 jours de marche ! ^^

Comment ce projet est-il né dans ton esprit?

A vrai dire, je ne sais plus comment est né ce projet. Un peu par hasard… Après avoir fait le GR20, je suis tombée amoureuse de la randonnée, de ces moments hors du temps dans la nature, posée sur un rocher devant des paysages à couper le souffle, à ces moments qui laissent place à la contemplation… Je pense que j’ai cherché à revivre ces instants. Au hasard des sites internet, je suis tombée sur le site gr10.fr qui on peut le dire est super complet et je me suis mise en relation avec Eric (toi) il y a trois ans. Au départ je devais partir une vingtaine de jours et ne faire que la première moitié mais pour des raisons personnelles, j’ai dû reporter le projet. Je suis donc partie 3 ans après en modifiant le projet car ma situation personnelle avait aussi évolué. Me connaissant bien, je me savais capable de réaliser la traversée complète.

Quel est le facteur déclenchant qui t’a décidé à partir?

Je ne pense pas qu’il y ait eu de facteur déclenchant, cela s’est fait naturellement grâce aux contacts entretenus avec Eric (toi) et la page facebook de gr10.fr qui remplie de récits de gr’distes, donnent envie de partir à son tour !!!

Le fait d’être une jeune femme seule marchant en montagne était-il un problème pour toi ?

Aucunement ! D’ailleurs est-ce que je suis vraiment une femme? ahah !! On me le demande souvent ^^ Mettre un pied devant l’autre est tout autant abordable pour un homme que pour une femme. Du côté mauvaises rencontres, l’avantage sous la tente, c’est que l’on ne connaît pas le sexe de la personne à l’intérieur ! lol. En dehors de la tente et je le vois de par mon métier, on peut faire de mauvaises rencontres partout, le tout c’est de le savoir. Je le savais, j’en étais consciente, maintenant je préfère vivre que de rester sur mon canapé ! Même s’il m’arrive parfois de rester sur mon canapé une matinée de temps à autre ! 😉

Sur le plan mental comment as-tu abordé ce trek?

J’ai fort caractère et j’ai l’avantage de bien connaître mon corps, je m’en savais donc capable. Pour moi ce trek, c’est comme une course, on part d’un point A (le départ) pour arriver à un point B (l’arrivée) sans possibilité d’abandonner, je dois donc me rendre au point B ! Même si en réalité ce n’est pas le cas, il y a beaucoup d’échappatoires pour quitter le gr10 !!

La solitude ne te faisait-elle pas peur? Comment l’as-tu abordée?

Le GRTMB m’a permis de découvrir la solitude en randonnée; je voulais savoir si j’étais capable d’être seule dans la nature sans véritable crainte ni angoisse, c’était le cas donc j’étais sereine !!

Sur le plan sportif et physique comment peux-tu te décrire? Fais-tu généralement des courses, trails, raids sportifs?

J’ai toujours été plutôt sportive, gymnastique puis sauvetage sportif et triathlon depuis peu. J’ai aussi toujours plus ou moins pratiqué la course à pieds.

As-tu suivi un plan d’entraînement particulier avant de partir?

Non aucun ! Ce n’est pas mon fort les plans d’entraînement ! ^^ De plus, je sortais juste de blessure, grosse tendinite d’insertion à l’ischio-jambier et au moyen fessier ! Quasiment 9 mois sans sport !!! J’étais donc en rééducation. J’ai repris doucement la course à pied un mois avant de partir afin de me remuscler les jambes un minimum. Heureusement le foncier me colle à la peau !!

Penses-tu t’être bien préparée sur le plan physique et mental?

Mentalement j’étais prête, physiquement un peu moins. Mais sur ce genre d’aventure, je sais que le mental prend le dessus. Juste avant de partir je savais que je prenais le risque d’aggraver la blessure et heureusement ou malheureusement pour moi, la blessure en est au même point qu’avant de partir !

Combien pesait ton sac au plus lourd?

Je suis partie avec un sac de 13 kg avec l’eau, mais lors de la traversée, j’ai compris le rôle prépondérant de l’alimentation, donc lorsque je sortais d’une supérette mon sac devait peser pas loin de 15 kg ! Eh Oui les fruits ça pèse mais c’est tellement bon tout ce jus lorsque tu croques dedans ! ^^ sluuuurp

Quelle proportion avait-il en pourcentage de ton poids corporel?

22%

Le choix de bivouaquer fut-il imposé pour des raisons financières ou pour des raisons pratiques?

C’est un choix pratique dans un premier temps, on peut s’arrêter plus ou moins quand on le décide. N’ayant pas d’étapes prédéfinies, c’était un choix logique. Après financièrement, je ne me voyais pas payer 27 nuitées, ça n’aurait pas été raisonnable même si il reste super agréable de passer une nuit en refuge (loin des sites touristiques). Le bivouac a quelque chose de magique aussi !!

Au niveau de la cartographie, comment as-tu fait? Quelles cartes as-tu utilisé?

ahahah grande question !! J’ai tout simplement suivi les marques rouges et blanches et très peu utilisé les cartes des topoguides et je n’ai pas du tout utilisé la boussole puisque je n’en avais pas !

Comment as-tu géré ton alimentation ?

J’avais gros appétit, je n’ai pas perdu beaucoup de poids, ce qui veut dire que cet aspect a plutôt bien été géré ! Je mangeais facilement pour deux personnes. On le sent vite de toute façon, dès que tu t’alimentes moins ou moins bien, il y a une répercussion directe sur la façon de marcher. Plus de fatigue, rythme plus lent…

combien pouvais-tu tenir au mieux en autonomie complète?

Je pense que je pouvais tenir 4 ou 5 jours en mangeant bien.

N’as-tu pas eu de problème de ravitaillement?

A mon plus grand bonheur aucun !! Je pense que le fait d’avoir fait de grosses étapes y a contribué aussi. On est plus vite au ravitaillement suivant. Il m’a juste manqué mon taboulé à préparer la dernière semaine, je n’ai pas réussi à le retrouver en supérette.

Décris-nous en quelques mots une de tes journées type de GRdiste.

En général, je mettais le réveil entre 6h50 et 7h15 et je partais le plus souvent vers 7h30. Je suis une grosse dormeuse, le sommeil est important pour moi. Je marchais jusqu’à 11H30 – 12H15 max, j’adorai pique-niquer dans ces endroits reculés et magiques du gr10 mais ça n’était pas toujours le cas. Je mangeais puis je fermais les yeux une vingtaine de minutes afin de récupérer d’une mauvaise nuit ou autre. Après une heure de pause je reprenais la route jusque à 15H30 – 16H30 où je prenais un goûter qui en quantité ressemblait à un petit repas. Après 30-40 minutes, je repartais jusqu’à 18h30 où j’installais mon bivouac et où je mangeais. Il m’arrivait parfois de remarcher 1h pour conserver l’objectif de finir la traversée à temps (pour prendre mon train à Banyuls).

Peux-tu nous donner des indications sur ton rythme de marche?

J’avais une marche plutôt dynamique; des montées sportives bien transpirantes mais un vrai bonheur pour moi si les taons étaient loin de moi.

As-tu couru et si oui, souvent?

Il m’est arrivé de courir oui en descente, mais au final très peu car il me fallait une belle piste bien « lisse ». Je n’avais pas envie de me blesser et de devoir abandonner l’idée d’arriver au bout. J’ai donc joué la carte prudence.

En ce qui concerne les bivouacs, peux-tu nous faire part de tes constatations sur le terrain? Sont-ils généralement difficiles ou faciles à trouver?

Aucun problème pour les bivouacs, on trouve facilement de quoi planter sa tente tout au long de la traversée. J’ai regretté parfois ne pas pouvoir m’arrêter dans certains lieux de bivouac magiques comme on les imagine car ils étaient présents trop tôt dans la journée.

Concernant les gîtes et refuges, peux-tu nous donner tes impressions? L’accueil fut-il bon? La nourriture?

J’ai beaucoup apprécié mes passages dans les refuges et gîtes. Par contre, on vous le confirmera, plus vous êtes éloignés des sites touristiques, meilleur sera votre passage au gîte ou au refuge ! ^^ J’ai eu la chance de passer des superbes soirées au refuge Jeandel, au Presbytère à Aulus, au gîte du Nabre à Mérens-les-Vals et à l’Ecogîte du moulin de la palette!! Déçue par les granges d’Astau au niveau nourriture (est-ce parce que j’étais seule?)

Comment arrivais-tu à gérer la récupération physique et de fait, la fatigue aussi?

Le plus difficile pour moi a été la thermorégulation. Mon corps avait beaucoup de mal à se réguler la nuit, chaud, suées, froid…. les nuits n’étaient pas toujours reposantes. Et lorsque les conditions venteuses s’y ajoutaient….aie aie aie !^^ j’étais plutôt à l’écoute de mon corps, si j’avais faim je mangeais, si la fatigue m’envahissait, je siestais ou si la fatigue était trop importante, je recherchais un gîte ou un refuge pour passer la nuit.

Quel fut pour toi le premier sentiment que tu as ressenti en arrivant sur la plage de Banyuls?

Ca faisait 4 jours, depuis le Canigou que je me retenais de pleurer, je n’en avais pas marre mais juste envie de craquer, peut-être parce que je savais que j’avais réussi… Donc arrivée à Banyuls en plein milieu des touristes et d’une fête catalane, je me suis mise à pleurer !! Seul l’homme qui m’a prise en photo devant la mosaïque en connaissait la raison. A ce moment-là, on est seul à savoir ce que l’on vient d’accomplir, la sensation est particulière.

Comment as-tu trouvé le balisage du gr10?

Dans l’ensemble plutôt bon mais parce que j’ai eu la chance d’avoir du beau temps sinon je pense que sincèrement ça peut devenir un peu plus compliqué par mauvais temps. Me trotte la question du balisage en Ariège avec ses plaques métalliques, il en manquait souvent au moins une sur deux, est-ce qu’il va durer dans le temps?

Quel fut ton meilleur souvenir de cette traversée?

Les claques visuelles, n’ayant plus les topoguides, il faudrait que je recherche les noms mais parmi elles, les différents cirques et mon arrivée sur le lac de Gaube où je suis arrivée tôt, d’un calme et d’un silence religieux!

Quel fut ton pire souvenir?

J’ai pour habitude de dire que les plus grosses galères font les plus beaux souvenirs mais je vais répondre mon bivouac aux chalets des Cortalets… 2 jours qu’il fait un vent de malade, il puise dans mon énergie, 3 nuits que je dors vraiment mal, 2 à 3 heures par nuit… la fatigue qui monte, une petite fringale dans la descente après le Canigou et pour enfoncer la tente qui s’envole deux fois cette nuit-là; je ressemblais à un sandwich prise dans la tente. Il faut dire que les rafales faisaient vaciller les hommes et empêchaient une conversation bien audible.

penses-tu avoir négligé un point particulier dans ta préparation?

Non je ne pense pas, tout s’est bien passé dans l’ensemble. Il ne m’a manqué que des pansements double-peau la dernière semaine, ça m’a été fatal!!

Ne regrettes-tu pas d’avoir avancé aussi vite et de n’avoir peut-être pas profité complètement des paysages et des rencontres?

Oui et non. Non parce que du coup j’ai vécu un concentré d’images, j’ai vécu une belle aventure sportive et je me ravitaillais plus facilement. Et Oui parce que c’est frustrant de ne pas pouvoir se poser plus longtemps dans les endroits magiques, de discuter plus longtemps avec les gens rencontrés en chemin ainsi que de passer une soirée avec eux…etc

Quel conseil pourrais-tu donner à celui ou celle qui désirerait aller aussi vite que toi dans cette aventure?

Je ne conseillerai pas forcément d’aller aussi vite. Chacun doit vivre son aventure comme il le veut pourvu qu’il parte à l’aventure !!

et pour conclure?

Un grand Merci à tous ceux rencontrés en chemin et particulièrement à toi Eric. Merci à Damaris de Barèges, quel plaisir de savoir qu’il y a encore des personnes prêtes à vous ouvrir les portes de chez elles !!! Merci au gîte du Nabre de Mérens et à l’écogîte du moulin de la palette !! Merci à vous tous rencontrés sur le chemin, gr’distes, randonneurs occasionnels… vous avez tous apporté quelque chose à mon aventure !!!! Vous en faites tous partie !!

Merci pour ce partage Julie, plein de bonnes choses à toi pour la suite de ton parcours de vie. Bienvenue dans la « communauté gr’diste »…

Point info

Pour toutes questions relatives aux dossiers de préparation, n’hésitez-pas à contacter :
Eric CHAIGNEAU
animateur bénévole des Amis GRdistes.
assogr10@gmail.com
tel 06 83 61 48 49