Martin Gillain, une traversée en 29 jours
À seulement 24 ans, Martin Gillain a incarné l’esprit du fast hiking par une performance remarquable : la traversée des Pyrénées via le GR10 réalisée en 29 jours. Cette aventure de 2019, menée dans un mode qui fusionne randonnée rapide et trail, met en lumière non seulement l’endurance physique exceptionnelle mais aussi la préparation stratégique et l’autonomie caractéristiques du fast hiking. Dans cet entretien, Martin détaille les étapes de sa préparation intense, les défis rencontrés en chemin et les leçons tirées d’une telle entreprise.
Pour ceux qui sont intrigués par l’allure soutenue du fast hiking ou qui aspirent à des exploits similaires Nous vous invitons à consulter les dossiers : https://gr10.org/index.php/les-trois-modes-devolution-sur-le-gr10-randonnee-fast-hiking-et-trail/ et https://gr10.org/index.php/transpyrenea-lultime-defi-du-fast-hiking-elite-sur-le-gr10/.
N’hésitez pas aussi à contacter Martin à l’adresse gillainmartin@gmail.com.
Deux découpages d’étape du GR10 en mode fast hiking sont également disponibles sur notre site https://gr10.org/index.php/decoupage-detape-du-gr10-n16/.
Qui je suis et pourquoi un tel projet
J’ai 24 ans, j’habite dans le Namurois en Belgique. J’ai fini mes études d’ingénieur civil en 2018 et j’ai décidé de prendre un an « off » avant de travailler dans le but de réaliser certains projets qui me tiennent à cœur. Un de ces projets était de passer beaucoup de temps en montagne, environ un mois. J’ai donc cherché en Europe un itinéraire assez long pour avoir le temps de m’imprégner au maximum des montagnes. Je me suis donc naturellement arrêté sur la traversée des Pyrénées par le GR10.
J’avais déjà effectué quelques étapes du GR10 avec ma famille en randonnée quand j’étais plus jeune, et l’idée d’aller d’une mer à l’autre me paraissait assez forte et belle. J’avais également suivi en 2016 le défi gigantesque de la Transpyrénéa qui reste pour moi un projet futur.
Mon but était donc de réaliser cette traversée en moins de 30 jours en mode trail.
Ma préparation
Le trail est un sport que je pratique depuis 3 ans. J’ai déjà fait quelques courses de montagne (Ultra Madeira 85 km, Intégrale des Causses 63 km) et j’atteins maintenant le premier quart du classement voir mieux.
Je savais que la grande différence entre ces courses et le GR10 était le plus grand niveau d’exigence du parcours, tant au niveau du dénivelé que de celui de la technicité et de la préparation physique. Se préparer à une telle épreuve en Belgique demande un peu d’expérience. Pour arriver à reproduire les mêmes efforts dans un environnement bien différent, il ne faut pas avoir peur de s’entrainer durement. Il faut faire du volume et donc répéter encore et encore l’ascension de « petites » côtes en aller-retour. J’ai également mixé course à pied et vélo.
Mon matériel
J’avais choisi un sac de 8-9 kg avec l’eau et de quoi grignoter la journée. Je portais une tente et un sac de couchage mais je restais dépendant des refuges pour la nourriture. Au niveau du poids du sac j’ai beaucoup souffert car il était à l’évidence trop lourd. Avec du recul, j’aurais opté pour un sac plus léger sans matériel de bivouac (tente et duvet) et j’aurais réservé à l’avance mes nuits en gites.
Une autre erreur technique fut de prendre un sac sans soutien ventrale. Tout le poids que je portais était réparti uniquement sur mes épaules (Raidlight Responsiv 25L). En ce qui concerne les chaussures, je n’en ai utilisé qu’une seule paire (Scott Ultra RC) qui a parfaitement tenue la distance et qui est même encore en bon état !
Mon plan de "route" et découpage
Mon sommeil, mon alimentation et ma gestion de l'effort
Je n’étais à vrai dire pas autonome ni au niveau du sommeil, ni au niveau de l’alimentation. Mon matériel de bivouac (tente et sac de couchage) était dans mon sac plus par sécurité que par praticité. J’étais donc absolument dépendant des gîtes et refuges. Cette dépendance était parfois un peu lourde à gérer. En effet, soit j’arrivais de temps en temps à destination encore frais mais je devais attendre l’heure du repas du soir pour manger, soit je devais me dépêcher pour arriver à l’heure du repas les « gros » jours de marche. Ceci ne m’a pas permis d’avancer à mon rythme. Au début de ma traversée certains repos forcés imposés par ces contraintes m’ont fait du bien car ils me permettaient d’intégrer progressivement la charge de travail musculaire. A la fin de mon aventure, je les vivais vraiment comme des contraintes qui me bridaient.
Ma forme physique grandissante en fin de parcours m’aurait permis d’aller beaucoup plus vite. J’aurais finalement bien aimé pouvoir avancer comme bon me semble, de jour comme de nuit, pouvoir dormir selon mes envies (comme les coureurs de la Transpyrénéa). Cette dépendance m’obligea à trainasser un peu, à quitter parfois le mode sportif qui est un moteur de motivation pour moi pour un mode plus randonneur. Je me sentais parfois un peu entre-deux disciplines, la course en montagne et la randonnée.
Je pense que la solution idéale pour résoudre ce problème est d’avoir une assistance extérieure ou réaliser cette aventure dans le cadre d’une course officielle.
Ceci dit et malgré ces contraintes, je n’ai heureusement eu aucun mal à trouver de la nourriture et je n’ai quasiment pas souffert de la faim !
Ma gestion de l'eau
Je partais en général avec 1.7 litres d’eau (maximum 2.2 litres), c’est un peu juste ! A trois reprises, il m’est arrivé d’en manquer. Je conseillerais donc d’être extrêmement vigilant surtout les jours de canicule et/ou les jours à forts dénivelés. De nombreuses rivières ou sources se trouvent sur le parcours, il ne faut jamais laisser une occasion de faire le plein sans oubliez de traiter l’eau.
La météo
La météo est extrêmement déterminante sur une épreuve aussi longue. Même si la pluie ne me dérange pas, j’ai eu de la chance de ne pas en avoir eu beaucoup et d’avoir pu profiter pleinement du paysage. Ayant couru les jours de canicule, ayant gravi des pentes abruptes complètement exposées au soleil ardent, étant en permanence transpirant, j’avoue même avoir espéré d’avoir plus de jours de brouillards ou de pluie pour avancer dans de « meilleures » conditions. Finalement étant plus habitué à un climat frisquet et pluvieux, c’est bien la chaleur qui fut pour moi un vrai défi à relever. Je précise néanmoins que j’étais bien content d’avoir un climat certes chaud mais surtout sec pour passer certains passages plus techniques.
L'orientation
L’orientation Au niveau de l’orientation, mon dispositif a été plutôt satisfaisant. Même si le balisage est extrêmement bien réalisé, il ne suffit pas toujours, surtout par conditions de brouillard. J’avais donc les cartes IGN sur mon téléphone via l’application IphiGéNie dans laquelle j’avais importé le tracé gpx du GR10. Parfois par manque de réseau je ne pouvais pas toujours visualiser les cartes numériques et une petite boussole me permettait facilement de rejoindre la trace.
Sur le plan sportif
D’un point de vue sportif, le challenge était de taille. Grâce à ma préparation physique et malgré mes erreurs technique (poids du sac) mon corps s’est bien adapté au parcours et sur la fin la seule difficulté rencontrée était le manque de sommeil et donc de récupération résultant de mauvaises nuits passées en camping qui s’imposaient parfois. Le dernier jour grâce à une bonne alimentation et une bonne récupération j’ai facilement absorbé une étape de 70 km pour arriver à Banyuls.
Mes souvenirs
Mes meilleurs souvenirs furent les rencontres que j’ai faites lors de cette traversée, les gens qui ont pris le projet à cœur, qui m’ont aidé, suivi, soutenu pour m’amener à me dépasser. Je retiendrai aussi les magnifiques levers de soleil en altitude lors des jours chauds où je partais à 5h00 du matin. Les pires souvenirs, les mouches et les taons. Ils ont l’art de se rendre vraiment désagréables ! Certains jours difficiles ils arrivent même à être mentalement vraiment pesants.
Le bilan
Avoir supporté cet énorme volume de travail, ce dénivelé fou, ne fait que consolider mes aspirations futures. Bientôt je m’attaquerai à certains monstres du trail-running à savoir l’UTMB et la Diagonale pour ne citer que ceux-là. Il y a des moments que j’ai vécu (un particulièrement) que les mots ne peuvent transmettre. Je souhaite aussi garder certains souvenirs et sensations en moi. Je ne dirais pas que je suis complètement transformé à la suite de cette aventure, mais j’y ai vécu des moments uniques et je vous encourage à vous lancer corps et âme dans cette expérience. Le doute n’est pas permi.
Point info
Eric CHAIGNEAU
animateur bénévole des Amis GRdistes.
assogr10@gmail.com
tel 06 83 61 48 49